Faut-il désigner un champion de Belgique de Trail? C’était la question dimanche soir au hall ominisports à Froidbermont, après l’arrivée de Olne-Spa-Olne, une des plus belles épreuves de trail de Belgique. Car les nouveaux champions de Belgique ne sont pas les gagnants. Cherchez l’erreur…

A Olne, chaque participant est un vrai champion s’il arrive au bout des 69 kilomètres. (Photo ImagesSport)

Un champion et une championne de Belgique de trail longue distance ont été désignés dimanche à l’issue de One-Spa-Olne. Dans l’indifférence générale. C’était d’ailleurs bien la dernière préoccupation des quelque 400 traileurs qui venaient de boucler les 69 kilomètres de course. Car dans cette discipline, plus on monte dans les distances, moins l’esprit est à la compétition. Le dernier arrivé, avec sa frontale, Emmanuel Gaudin (403ème en 11h21) n’a-t-il pas autant de mérite que le premier?  Il a en tout en cas payé moins cher que le premier pour participer. Moins d’un euro par heure de course. Avec au final la même potée-saucisse à l’arrivée que le premier pour le remercier d’être venu.

Pourquoi tu cours?

Comme dans toutes les courses, chaque coureur espère secrètement mieux gérer l’épreuve et pourquoi pas faire mieux que l’an passé. Oui bien sûr, ça fait plaisir de terminer devant un copain histoire de se remonter le bourichon devant une bière spéciale. Mais sur pareille distance, l’objectif est avant tout de prendre du plaisir et surtout ne pas se faire (trop) mal.
Mais de-là à désigner un champion, il y a un pas que la plupart des traileurs ne veulent absolument pas franchir.

Cherchez l’erreur…

Pied de nez à la Fédération d’athlétisme, organisatrice de ces championnats de Belgique, les champions du de Belgique désignés sur cette course ne sont pas les vainqueurs de l’épreuve.

Chez les hommes, le champion de Belgique, Fabian Magnée, termine en troisième position, une demi-heure derrière un autre Liégeois, Xavier Diepart, le héros du jour et Pascal Van Norden, un Hollandais(les classements).

Chez les dames, la championne de Belgique, Janick Delva, est également troisième, derrière Isabelle Ost (à notre avis la meilleure traileuse belge, la plus sympa aussi) et Midred Haans, venue de Hollande pour s’imposer à Olne (les classements).

Si Xavier Diepart et Isabelle Ost n’ont pas été désignés champions de Belgique, cela n’a donc strictement rien à voir avec leurs qualités sportives. Ces deux traileurs ne sont tout simplement pas affiliés à la Ligue d’Athlétisme, comme la grande majorité des traileurs qui terminent ce Olne-Spa-Olne. Car lorsqu’on décide de se lancer sur le trail, c’est justement par réaction à cet esprit souvent très compétition des courses sur routes. Afin de retrouver une certaine liberté.

Pour le plaisir

D’ailleurs One-Spa-One est organisé par « Courir pour le plaisir ». Une association qui porte bien son nom. Et qui n’était pas du tout candidate pour organiser ce championnat de Belgique. Ce dernier devait d’ailleurs se tenir lors de l’Ecotrail de Bruxelles, ce qui n’a finalement pas pu se faire, le chronométrage étant interdit par la police de Bruxelles, pour des raisons de sécurité. Pas de chrono, pas de compétition donc.

La Fédération s’est donc rabattue sur Olne-Spa-Olne. A la surprise des organisateurs. Félix Mordant, organisateur, nous l’assure. « Je n’ai jamais dit oui. C’est vrai aussi que je n’ai jamais dit non. Mais un championnat de Belgique ne correspond pas du tout à l’esprit et aux valeurs du trail. Nous avons trop de respect pour les coureurs que pour les faire avancer comme des ânes avec une carotte. » 

Il n’a d’ailleurs pas manqué de mettre en garde les coureurs au briefing avant le départ départ. En exigeant le respect des autres et de la nature. « Aujourd’hui, championnat de Belgique oblige, il y aura deux types de coureurs. Ceux qui courent contre des adversaires et ceux qui courent avec des partenaires ».

Fort heureusement, ceux qui couraient avec des partenaires étaient largement majoritaires. Olne-Spa-Olne, c’est 69km et plus de 2 000 mètres de dénivelé positif. Il faut donc pouvoir se serrer les coudes et trouver des partenaires pour vous remonter le moral avant certaines ascensions ou simplement partager avec eux le plaisir de traverser de superbes décors dans la brume, le crachin et le brouillard de novembre.

Remettre (un peu) d’ordre

Roger Igo, travaille pour la Ligue belge francophone de Belgique. Coureur, entraîneur d’élite, il est l’initiateur de ces championnats de Belgique. « Nous avons pris conscience du développement de cette discipline. Nous ne voulons pas nous faire dépasser comme on l’a été par la vague jogging dans les années 70, quand la Fédération a regardé de haut ces coureurs du dimanche. L’univers trail reste encore très bohème, très amateur. Il y a peu de place pour les compétiteurs. Avec la Ligue, nous tentons donc de travailler le côté plus sportif du trail. Pour le valoriser. Nous faisons partie aujourd’hui de la Fédération internationale du trail et tentons, avec elle, d’établir des règles pour accompagner les sportifs qui veulent progresser dans cette discipline avec une vision plus globale. Certains s’attaquent à des distances trop longues par rapport à leur état physique. Il y a danger. Certaines courses laissent aussi à désirer au niveau de la sécurité et de l’organisation. Pousser les traileurs vers les clubs d’athlétisme pour s’affilier, c’est veiller à leur sécurité. »

L’exemple français?

Cette vision plus pragmatique du trail est-elle partagée? A Olne dimanche soir, championnat de Belgique ou pas, l’ambiance était une nouvelle fois au rendez-vous et les commentaires des coureurs élogieux sur l’organisation.  « Vous avez une chance pas croyable en Belgique d’avoir de pareilles courses nous racontaient des traileurs venus de Lille. L’accueil est génial, le parcours parfait. Et pour un prix ridicule (10 €). Nous revenons d’un trail dans les Voges. Moins beau, moins bien organisé. Et 50 € de participation. »

En France, la pratique du trail est bien plus balisée que chez nous. Pas question de participer à une course dans son affiliation à la Fédération. Pas question d’organiser une épreuve sans un contrôle strict du respect des normes émises par la Fédération. Et développement d’une nouvelle catégorie de traileurs qui se professionnalisent davantage. Avec des résultats, des primes, des teams, des sponsors, …
Chez nous, le trail conserve encore son côté amateur. Avec ses charmes et parfois, il est vrai, des surprises.  Mais pour combien de temps encore?

Nathanaël JACQMIN

Pour promouvoir cette vision plus compétitive du trail, une sélection des élites sera organisée  le 18 janvier à Spa.